Onze ans après l’épisode 4, six ans après le reboot mésestimé DMC, et pile un an après la ressortie de la trilogie d’origine sur supports modernes, Capcom ressuscite la franchise goth créée entre autres par Shinji Mikami, grand architecte de Resident Evil et co-fondateur de PlatinumGames. Dans une bonne dynamique depuis Resident Evil 7 Biohazard, les équipes de Capcom ont soigné, et c’est peu de le dire, leur dernier blockbuster…
Disponible sur PC, Xbox One et PlayStation 4.
Testé sur PC
Commençant in medias res et laissant le surpuissant Dante pour mort, Devil May Cry 5 saisit immédiatement par son cocktail tonal improbable, mélange d’horreur à la Clive Barker et d’humour manga totalement absurde. Obéissant à ses propres règles, l’univers décrit dans le jeu offre paradoxalement une expérience très immersive et crédible, grâce à un point de vue narratif très maîtrisé et des personnages bigger-than-life et poseurs, mais aussi terriblement attachants. L’esthétique foisonnante du jeu, qui accroche immédiatement le regard, est d’ailleurs justifiée par la personnage de Nico, ingénieure autodidacte qui avoue soigner l’apparence des armes qu’elle conçoit autant que leur efficacité. L’équipe du jeu s’exprime très clairement à travers elle : dans Devil May Cry 5, le maniement incroyablement subtil des personnages et la richesse de leur palette de mouvements sont toujours soutenus par un production design hallucinant, dont la maniaquerie frappe autant les décors les plus vastes que les détails vestimentaires les plus imperceptibles
Mise en scène de haut vol
outenant un script très bien structuré, évoluant en quasi-temps réel dans la plupart des niveaux, la mise en scène s’impose comme un bijou d’inventivité, et ce dès un générique d’ouverture hilarant dans lequel Nero, l’un des trois protagonistes jouables, vient à bout d’une horde de créatures en bullet time, tandis que le van de Nico enchaîne une série de cascades invraisemblables (l’occasion d’admirer les performances folles du moteur graphique, et le soin apporté aux animations, aux textures ou aux modèles 3D des véhicules, décors et personnages). Les différentes apparitions de Nico au fil de l’aventure donnent accessoirement lieu à des sommets de surréalisme, donnant une lecture un peu plus barrée que de coutume à la figure du checkpoint. Grâce à des cabines téléphoniques disséminées à travers les niveaux, il est en effet possible de faire apparaître (si l’on peut dire) le fameux van, en fait un magasin ambulant. A l’aide d’une sorte de mana rouge que l’on récupère à chaque combat, ou en explorant les décors dans leurs moindres recoins, il est possible de se payer des upgrades divers et variés, allant du combo avancé au sprint furieux, en passant par diverses options de parades / contre-attaques ou autres coups spéciaux. Des artefacts servent également à ressusciter son personnage en cas d’échec, et il est possible d’augmenter sa jauge d’énergie et ses jauges de furies secondaires.
Le Bras de Nero
Bien sûr, chaque type d’upgrade est spécifique aux différents personnages, et Devil May Cry 5 met en scène pas moins de trois héros. Amputé d’un bras par le bad guy du jeu, Nero ouvre la danse avec son épée surdimensionnée, son révolver à la Mad Max… et son stock de bras robots (ou Devil Breakers) conçus et fournis par Nico. Avant chaque niveau, il est recommandé de renouveler son stock en choisissant parmi les nombreux modèles de Devil Breakers, chacun induisant des approches stratégiques très particulières. Tandis que certains bras sont taillés pour le corps-à-corps, d’autres sont équipés de canons lasers (les possesseurs de l’édition Deluxe auront même droit à un bras “Mega Man” !). Tous, en revanche, sont équipés d’une sorte de lasso permettant de passer d’une plate-forme à une autre si le level design le permet, ou d’agripper un adversaire en plein combat et le ramener vers soi pour l’achever plus facilement. Evidemment, les combos s’adaptent et évoluent selon le bras choisi… et il est possible de détruire son Devil Breaker à tout moment afin de passer au suivant, ce qui occasionne une déflagration digne d’une bombe dans un bon vieux shoot’em up.
Les démons de V
Si Nero convainc déjà grâce à ses Devil Breakers, le personnage de V mène la série dans des territoires ludiques totalement inédits, et franchement brillants. V affronte en effet ses adversaires à distance, par l’intermédiaire de deux démons qu’il invoque : un griffon ailé et une panthère nommée Shadow. Chaque créature dispose d’attaques spécifiques, avec la possibilité de combiner leurs efforts et de faire grimper la jauge des combos, permettant d’invoquer un troisième démon : Nightmare, un colosse implacable dont les apparitions semblent animées en Stop-Motion. Lorsqu’un adversaire est sonné, V peut l’achever d’un coup de canne bien senti ; on ne pourra donc pas lui reprocher de ne pas se mouiller.
L’épée de Dante
Jouable à partir du troisième niveau, le troisième personnage n’est autre que Dante, le héros surpuissant des épisodes précédents. Le game design change une nouvelle fois du tout au tout par rapport à Nero et V mais reste dans la continuité directe des premiers opus, avec un équilibre parfait entre le mode Gunslinger (un révolver dans chaque main), le mode Swordmaster (combat à l’épée) ou le mode Balrog (combat avec les poings ou les pieds). Le nombre de combinaisons possibles entre les différentes attaques est exponentiel, et atteint des proportions peut-être inédites dans le registre du beat’em all. La learning curve du jeu constitue d’ailleurs l’une de ses plus grandes réussites, le joueur continuant à apprendre et à maîtriser de nouvelles techniques jusqu’aux toutes dernières minutes.
Si les niveaux manquent parfois d’originalité (leur division en arènes distinctes séparées par des cutscenes systématiques est discutable), les adversaires sont conçus pour exploiter pleinement les capacités des trois avatars. Bénéficiant d’intelligences artificielles très convaincantes, ils brillent au passage par un character design souvent hallucinant, en particulier des boss de fin de niveau dont les atours torturés et cauchemardesques rompent avec la nonchalance des dialogues. Au carrefour de Dante, Barker et Lovecraft, ces créatures sont une réussite parmi d’autres de Devil May Cry 5…